Un différend banal éclate dans une discothèque entre des jeunes hommes et un autre jeune homme qui en réalité est gendarme. Suite à ce différend, l’ensemble de ces personnes se retrouvent sur le parking à la fin de la soirée, et une bagarre générale éclate. Jusqu’au moment où, le gendarme, qui n’avait pas décliné sa profession puisqu’en repos (et ivre) ce jour-là, a demandé aux jeunes hommes de le suivre afin de régler le différend. Or, quelle ne fut pas leur surprise de se retrouver dans la résidence d’une gendarmerie, zone militaire..
La Provence – 10 mai 2022
Gendarmes frappés : les agresseurs condamnés
Port-Saint-Louis-Du-Rhône. Ils ont écopé de 12 à 15 mois de détention, dont 6 avec sursis.
Un guet-apens pour se venger d’un retrait de permis ? La motivation des trois jeunes hommes, condamnés hier par le tribunal correctionnel de Tarascon, est encore floue. Enzo, Ilian et Khalid, respectivement 20 et 25 ans, étaient entendus pour l’agression de trois gendarmes au pied du bâtiment militaire de Port-Saint-Louis-Du-Rhône.
Dans la salle d’audience, une vingtaine d’hommes et de femmes en uniforme, dont la commandante de la compagnie d’Arles Nassima Djebli et le général Ronand Le Floch, sont venus soutenir leurs collègues, dont l’un porte encore un œil au beurre noir.
Course-poursuite de 30 km
Dans la nuit du 6 au 7 mai, trois gendarmes hors service profitaient d’une soirée au Carlenzo, un club de Saint-Mitre-les-Remparts. Alors qu’ils repartent vers 2h du matin, ils se rendent compte qu’une Clio blanche aux vitres teintées les rattrape à toute vitesse, en faisant des zigzags et des appels de phares. Les gendarmes reconnaissent des garçons qu’ils ont déjà contrôlés auparavant.
A l’entrée de Port-Saint-Louis, la Clio s’arrête en travers de la route et coupe le chemin aux gendarmes. En sortent Enzo, Ilian et Khalid, qui prennent à partie les militaires. « Khalid aurait ouvert la porte passager et saisi la jambe de T. pour le forcer à sortir, puis Ilian l’aurait saisi par le cou et frappé visage. Enzo aurait alors déclaré : « tiens, c’est pour mon permis ». Retrace la présidente en lisant le dossier d’instruction. Elle précise qu’Enzo s’est vu retirer son permis le sous-officier T. deux semaines plus tôt pour conduite sous l’emprise de stupéfiants.
Prenant la fuite, les trois gendarmes sont suivis jusqu’au pied du bâtiment où logent tous les militaires de Port-Saint-Louis. Khalid entre dans l’enceinte et les insultes fusent entre lui et le sous-officier.
Le jeune homme frappe alors le militaire, jusqu’à ce que ses collègues, réveillés par le chahut, n’interviennent. LE sous-officier T., souffrant d’une plaie à l’arcade sourcilière et à la lèvre, se voit prescrire 4 jours d’ITT.
Le procureur fait appel de la peine
Face au tribunal, les trois prévenus campent sur leur position : ils ne savaient pas que les hommes qu’ils suivaient étaient des gendarmes. « J’étais à Saint-Mitre pour récupérer un ami », déclare Khalid qui conduisait la Clio malgré la perte de son permis en janvier. « J’ai voulu doubler cette voiture mais en aucun cas je n’ai pris des risques. Quand je l’ai doublé, il me faisait des appels de phares incessants ». Se sentant agressé, le jeune homme aurait alors voulu « discuter » avec l’autre conducteur, Enzo et Ilian reconnaissent avoir donné des coups à l’un des passagers. « Je trouvais qu’il n’était pas très courtois », se justifie Ilian.
Ils affirment les avoir suivis sans comprendre qu’ils étaient dans l’enceinte d’un bâtiment militaire. « On y voit des familles sortir, et il y a pas de panneau. Je sais pas ce qu’il y a là. » explique Khalid, qui précise n’avoir pas toléré les insultes lancées par le gendarme et avoir « lancé un coup ».
Défendant les intérêts du sous-officier T., Maître Pailhes déclare : « Oui, il a insulté. Il aurait dû s’abstenir et le reconnaît. Mais si son comportement n’a pas été idéal, cela ne justifie en rien ce déferlement de violence. »
Pour la procureure, il en fait aucun doute que « le mobile est la vengeance car Enzo a perdu son permis. ». « Ils sont jusqu’au-boutiste, déterminés à régler un différend. Les prévenus ont largement menti, leur version apparaît truffée d’incohérences », déclare la représentante de ministère public, qui requiert 15 mois de prison ferme avec maintien en détention pour les trois garçons.
Pour les trois avocates de la défense, il est évident que les prévenus ne connaissent pas le métier de leurs adversaires. Maître Wardalski, défendant Ilian, trouve « inadéquat de voir la partie civile témoigner en tenue de gendarme, et une salle pleine de militaires, comme pour nous rappeler qu’il ne s’agit pas d’une bagarre entre deux civils. C’est nous forcer un peu la main… »
« Les violences ont eu lieu, c’est incontestable. Ce que je conteste, c’est la circonstance agravante », lance Maître Raybaud, l’avocate d’Enzo. A la défense de Khalid, Maître Portalis confie se poser des questions : « A Port-Saint-Louis, il y a une armada de caméras de surveillance. Mais on nous dit qu’une n’était pas orientée correctement… ».
Le tribunal a finalement condamné Enzo et Ilian à 12 mois de prison, dont 6 avec sursis. Les peines fermes des trois garçons seront aménagées en détention à domicile avec bracelet électronique.
Estimant que cette peine « n’était pas pleinement adaptée », le procureur de la République de Tarascon, Laurent Gumbau, a fait connaître hier en fin de journée sa décision de faire appel.